jeudi 2 décembre 2010

Une étrange soirée

Dans le parc aux mille soupirs, le Silence traverse le jardin des pas perdus où toute empreinte disparait laissant le sol immaculé.

Vêtu d’un chapeau haut de forme et d’une redingote, il se rend d’un pas pressé à une fête improvisée. Elégant et discret, il observe la scène quelque peu subjugué : Un guitariste inspiré caresse ses cordes avec talent, les faisant vibrer au touché sur la mélodie d’un air langoureux et sensuel. Elles se mettent à danser, envoutées de désir, invitant la Vie à partager ce moment de folie où les interdits demeurent cloîtré dans les oubliettes d’un passé trop lourd à porter.

Une valse des plus troublantes enflamme ce début de soirée. Elle apparait aux bras d’un inconnu accompagnant ses pas légers d’un sourire ravissant, presque ingénu. Ses yeux en forme d’amandes hébergent des noisettes remplies de douceur et déclenchent chez les gourmands égarés un trouble soudain, l’envie irrésistible de déguster le nectar délicieux de cette exquise pièce montée.

Une ombre plane sur le fauteuil à coté duquel le silence s’est réfugié. Sans âge et sans visage, tout de noir vêtu, la Mort ne rode plus mais s’accorde simplement le droit de rêver. Elle voit danser ces amants d’un soir, devinant leur désir et l’appétit insatiable de s’aimer. Sans même prendre le temps de se connaître, ils s’enlaceront enivrés des effluves d’amour que la vie répand selon l’humeur du moment.
Sans amertume ni jalousie, la Mort exprime ses regrets. Obsédée par l’envie d’être aimée, elle s’interroge sur ses actes manqués. Le Silence l’écoute, attentif et bienveillant, sans porter le moindre jugement. Les choses sont dites simplement. Des tâches d’encre viennent enterrer les souffrances passées. Elles dessinent sur le sol des pensées obscures, la mort vide sont cœur et laissent ses larmes couler.

Sa voix se fait plus douce, le cœur devient léger. Elle retrouve l’entrain de ses jeunes années. Ses intentions louables, ont été dévoilées : désormais, elle accompagnera les âmes déshéritées à faire le deuil de leur vie passée. Une action funeste par nécessité teintée d’une once de sensibilité.

Donne-moi la route dit-elle au silence dans une étreinte glaciale. Oui, mais seulement la moitié murmure t’il, ému de la voir s’en aller. Son cœur rougit d’émotion, la Mort lui donne un baiser et la promesse de bientôt se retrouver. Elle quitte cette soirée où la vie continue de danser. Dehors, son amie la Solitude l’attendait, jalouse d’avoir été délaissée.

Le Silence s’efface de cette étrange soirée. Il rentre chez lui légèrement troublé et pense à elle, à sa vie. Ses pas pèsent lourds dans le jardin des regrets, il aimerait la retrouver et sent son cœur se serrer mais l’heure n’a pas encore sonnée.

Aucun commentaire: