dimanche 20 décembre 2009

Souvenir d'enfance

Au midi de la vie, l’être humain s’accomplit. Il s’affirme et déploie son énergie à assouvir ses désirs et diriger sa destinée vers une destination plus ensoleillée.
A l’écart de cette course effrénée, je m’assois sur un banc conscient du décalage dont je fais l’objet. Le passé hante mes pensées, je ne peux éviter de coucher sur un papier son témoignage, vestige d’une époque assassinée.

Une ferme isolée aux pieds de coteaux légèrement boisés dresse avec fierté ses bâtiments en pierre taillée. L’ombre du grand marronnier accueille chaque été les voisins et amis sollicités pour moissonner le blé, couper le foin et vendanger. Un hangar majestueux impose le respect. Ses pierres jaunies par le soleil et le temps passé attisaient la curiosité du petit garçon que j’étais. Assis à ses pieds, je levais la tête pour le saluer. Redoutant sa colère, je vénérais cet aïeul qui semblait si vivant à mes cotés. Je pénétrais son antre pour explorer les reliques entreposées : des outils rouillés, presque usés, des machines agricoles adaptées au pas lent des chevaux de trait, des bottes de pailles entassées dans un coin attendant d’être consommées par des animaux disparus à jamais. J’imaginais la scène…la vie agricole en ce temps-là. Je sentais l’odeur du foin coupé, la chaleur des animaux essoufflés d’avoir labouré le pré, je regrettais de ne pas être né plus tôt pour y participer.

Il y avait, juste à coté, un puits en pierre à l’accès non protégé. Le vieux treuil en bois pour remonter le seau me lançait un défi : Le faire tourner à nouveau. Je m’approchais impatient d’agripper la hanse à la chaine rouillée, un peu trop éloignée pour pouvoir l’attraper.
Sur la pointe des pieds, j’aurais pu essayer de me pencher davantage mais la margelle du puits, trop basse, ne me permettait pas de m’appuyer sans risquer de tomber dans ce trou rempli d’eau, effrayant d’obscurité. J’en fus probablement traumatisé car aujourd’hui encore je n’ose m’approcher du bord d’un puits non sécurisé.

Face à ces édifices ruraux se tenait un vieux portail grinçant, clôturant une cour au charme campagnard d’hantant. A gauche, deux poulaillers abritaient sans doute dindons et poules privant ainsi quelques renards affamés d’un copieux diner ou petit déjeuner. Il y avait des fleurs sur le mur à coté, des jardinières restent posées, mais leurs senteurs se sont évaporées.
A l’opposé, à droite du portail, une petite porte donne accès à une cave abandonnée. Une marche suffit à pénétrer dans la fraicheur dégagée par le sol en terre battue, celui du musé d’un petit vin fermier de qualité. Ses vertus œnologiques attiraient voisins et clients des villages avoisinant. La vente de ce dernier permettait de gagner quelques deniers, de vivre sans trop se priver. Un grand tonneau se dressait, immense réservoir de ce nectar tant convoité. D’autres, plus petits, étaient empilés au fond de la pièce, dans l’obscurité. D’une petite fenêtre, j’apercevais le coteau où jadis les pieds de vigne étaient plantés. Une orientation à l’est permettait aux premiers rayons de commencer la journée en donnant au raisin un coup de soleil au goût sucré.

L’étable, juxtaposée, sentait le renfermé. Une odeur animale s’en dégageait encore, suffisamment forte, pour deviner sans difficulté la nature des bovins hébergés…des vaches et des boeufs à n’en pas douter et sans doute un cheval pour les travaux des prés. Un peu de paille demeurait dans les mangeoires. Sa taille réduite lui donnait un air discret. Une grande porte en bois, coulissante, grisée par le temps écoulé semblait refermer pour l’éternité l’activité révolue de ce lieu oublié.

L’habitation principale se situait au sommet d’un escalier dont les marches en pierre, déjà bien usées, conservaient le souvenir de nombreux petits genoux écorchés. Une petite terrasse s’étendait tout en haut. Elle offrait un point de vue privilégié pour contempler les couleurs des saisons tout au long de l’année. Passé la porte d’entrée, mes souvenirs s’estompent comme embrumés dans le brouillard persistant du passé.

Je reviens soudain à la réalité. Désorienté, assis sur mon banc, un peu perdu par ce voyage dans le temps. Mes désirs d’enfant sont restés figés dans ces vieilles pierres et dans l’herbe des prés. Par courtoisie, elle n’hésitait pas à se courber pour ne pas troubler l’élan des premiers pas mal assurés d’un petit descendant déjà bien décidé à prendre la relève sans autre forme de procès.

Nostalgique, le cœur lourd, les années ont passé. La ferme, vendue au prix du marché, s’est transformée, méconnaissable, défigurée.
Pourquoi alors s’attacher à ce souvenir précieux dont je n’arrive pas à me débarrasser ? Peut-être parce que mon âme se plait à conserver les senteurs et les couleurs intactes du paradis perdu de mes jeunes années.

mardi 15 décembre 2009

Quand règne la nuit...

Tombé lentement du ciel pour s’étendre à l’horizon, le soleil rougit, un peu honteux d’être si paresseux en cette saison. Ses rayons faiblissent, le ciel s’assombrit peiné de ne pouvoir veiller plus tard en cette fin d’année.

Dame nature ne sait que penser. Le teint pâle, fatiguée, gelée, elle préfère laisser ces querelles à ses ainés. Son amie la lune vient la visiter pour la réconforter, la veiller le temps d’une nuitée. Ainsi rassurée, elle se laissera bercer par le souffle du vent dans les branches des peupliers et s’endormira en comptant les étoiles comme autant de rêves qu’elle pourra caresser.

Le règne de la nuit commence sans partage ni concession. Ses sujets asservis agissent sans raison et laissent leurs fantasmes naviguer au gré de leurs pensées.

Certains se retrouvent et s’enlacent, déposent de chastes baisers aux endroits sensibles où le désir se cache attendant patiemment d’être réveillé. La nuit sera douce et câline pour ces amants d’un soir ou ces couples dont l’histoire se tisse d’amour au fil des mois et des années.

D’autres se terrent emportés par la souffrance et l’angoisse d’affronter une existence dénuée du moindre espoir, dépeuplée d’amour et de sensibilité. La pudeur s’en est allée, face à soi-même les larmes peuvent couler, personne ne viendra consoler cet homme seul qui pleure de ne pouvoir être aimé. Faut-il malgré tout s’attacher à une vie dont le bonheur ne possède pas la clé. Pourtant il suffit juste de sonner et d’entrer, la porte n’est même pas verrouillée.

Le sommeil emporte avec lui les mauvaises pensées, le temps d’un voyage sans escale au pays des rêves insensés ou dans le néant de l’oubli où la mort des fois vient rôder.

La nuit choisit d’être douce ou agitée selon son humeur et sa volonté. Elle décuple le désir de sortir et s’amuser. Les limites semblent s’effacer pour laisser place à l’excès des plaisirs disponibles sur le marché. La crise ne semble pas freiner l’ardeur des sentiments dévoilés. Ils s’expriment sans réprimer les émotions associées.

L’aube pointe son nez, la nuit va bientôt abdiquer. Le roi soleil pourra à nouveau illuminer d’espoir cette belle journée qui vient de commencer. La nature s’éveille souriante et reposée, un manteau blanc immaculé l’habille avec le style et l’élégance digne d’un grand couturier.

Quelques flocons dansent transportés par une brise légère et parfumée aux senteurs du bonheur qui vient de s’annoncer. Il passera bientôt m’a-t-il déclaré. Son amie la vie lui confie les clés de ma destinée. C’est une amie fidèle qui peut paraître froide et dure à apprivoiser mais devient douce et légère si l’on sait l’aimer.

jeudi 3 décembre 2009

Lettre à une inconnue

Chère inconnue,

Le destin fleurira peut-être nos cœurs d’une histoire amoureuse dont chaque être rêve d’être l’auteur. En imaginant notre rencontre, je me suis permis de rêver, de rêver pour ne pas crever dans la solitude qui berce mes nuits à défaut de t’avoir rencontré.

Parfumée aux saveurs du printemps à peine éclos, notre rencontre s’éclaire déjà d’un arc-en-ciel de bonheur et l’amour devient son alter égo.

Mon cœur se réchauffe sous les rayons du soleil de la belle saison. Le poids du long hiver passé s’en est allé, les remords et regrets ne pourront plus me rattraper. Je renais à cet espoir trouvé par hasard sur le bord du trottoir de mes jeunes années. Il me guide à nouveau et m’inspire à aimer.

Croiser ton regard à la terrasse d’un café, oser te sourire sans perdre le fil de mes pensées serait un défi que nul ne peut relever. Absorbé par l’azur de tes yeux, leur forme d’amande les rendant plus savoureux, je reste là, admirant les reflets de l’océan aux déferlantes prunelles dont le désir illumine cet instant.

Ton sourire étincelant se dessine lentement sur ton visage radieux. Séduit, sans pouvoir résister, je me glisse à ta table sur la pointe des pieds. Assis face à face, nous commençons à discuter de banalités… Ta voix fait vibrer le timbre de la passion, chaque mot prononcé raisonne tel un écho au plaisir retrouvé…rêver sans voir le temps passé, partager ce moment délicieux, commencer notre histoire en douceur et déguster chaque bouchée.

Ta peau, si délicate au toucher, donne la sensation de caresser le bonheur en toute simplicité. Nos doigts s’effleurent, s’entrelacent, impatients d’explorer ce paradis perdu avec délicatesse et sensualité.

Ton haleine parfume de désir l’atmosphère enfiévrée de cette belle journée. Nos lèvres s’effleurent, se murmurent des mots tendres, presque intimidées. Nous partons le cœur léger, nos mains enlacées par la promesse de s’aimer sans jamais se quitter.

Le temps usera peut-être ces vœux d’amoureux trop épris pour penser regretter un jour de s’être laisser aimés sans douter un instant des sentiments partagés. Afin d’éviter de réhabiliter un jour des sentiments trop lointain pour une histoire d’amour, je cultiverai au mieux le jardin de tes pensées de souvenirs heureux, d’attentions avec l’envie si forte de t’aimer.